Engagement, déménagement, ça bouillonne !

En ce moment, les évènements s’enchaînent plus vite que je ne peux les raconter.

Retour à Paris.

Fin janvier, je suis revenu à Paris pour trois semaines. Le temps de bosser. Le temps de mettre en place le tout nouveau forum de Tera avec Simon (outil dont je suis très content, malgré les joies de l’open source avec Discourse). Le temps de prendre une décision douloureuse. Le temps de me poser avec moi-même pour écouter ce que ça racontait à l’intérieur, après les expériences dont j’ai parlé dans mon dernier billet. Et ces trois semaines sont passées très vite, car il est apparu que la transition appelle la transition, et qu’une fois qu’on a mis un pied dedans, l’autre pied suit rapidement.

Aussitôt reviendu, aussitôt repartu.

Mi février, je suis retourné en Dordogne, par un jeu de hasard (je ne crois pas au hasard) assez rigolo. Un copain, Valentin, qui commence à s’occuper d’une maison et d’un terrain familiaux en Corse, pour y soigner ses châtaigniers et y vivre, m’avait prévenu dès début janvier qu’il descendait lui aussi dans le Périgord pour y apprendre les bases de la permaculture chez un oncle. J’ai voulu voir comment ça se passait là-bas, et j’y suis descendu quelques jours avant Tera. Sur place, Valentin m’a présenté François (l’oncle en question), 70 ans, soixante-huitard qui est allé au bout de ses idées et qui vit seul en quasi-autonomie depuis 40 ans. Son petit corps de ferme est entouré par son potager, ses quelques moutons, un bout de forêt et des arbres fruitiers. Il produit une bonne partie de ce qu’il consomme, de ses légumes à sa viande, en passant par son miel (avec ses ruches) et son vin (avec ses vignes). Tout est là, agencé autour de la maison pour un minimum d’effort et un maximum d’efficacité. Même l’eau qui alimente la ferme est remontée de la source du terrain via un bélier hydraulique.

Le bélier hydraulique, 100% mécanique,
0% de consommation d’énergie extérieure pour fonctionner.

François a été une mine d’or d’informations sur les plantes et les animaux, fort de ses décennies d’expérience, et sa bibliothèque de ressources m’a franchement fait baver. Les échanges le soir autour de la table avec Valentin et lui ont été de très bons moments. Et à table, l’agneau du jardin était très bon. Oui, l’agneau du jardin.

Valentin a passé son baptême de vidage et dépeçage pendant mon séjour. Quant à moi, même si je ne voulais pas participer, j’ai tenu à assister à la mort de l’animal. Je pense que toute personne qui mange de la viande devrait au minimum être témoin de ce moment. J’ai vu comment l’agneau avait vécu (avec beaucoup d’espace, dans de jolis petits pâturages bordés d’arbres), comment il a été amené (dans un enclos, au milieu de son espace de vie, sans être attaché ni brutalisé), comment il a été allongé (avec douceur), comment François lui a tranché la gorge, et avec quel humilité il l’a fait. Ce que j’ai vu était à des années lumières de ce qu’on peut régulièrement voir d’ignoble dans l’abattage industriel (même bio). Et pourtant, ces quatre minutes d’agonie (j’ai compté les secondes) étaient interminables. C’est dur. Et si c’est déjà dur comme cela, alors il ne faut pas beaucoup d’imagination pour se douter que peu de personnes supporteraient encore d’acheter de la viande industrielle si elle se rapprochaient un peu de la manière dont leur viande est créée. Pour ma part, je reste encore un peu carnivore (ma consommation de bidoche a bien été divisée par quatre depuis 18 mois), mais dorénavant, je veux le faire avec un maximum de conscience. Quand j’ai mangé cet agneau à table, deux jours plus tard, il avait un goût bien particulier. Au-delà du fait qu’il était délicieux (compte tenu de ses conditions d’élevage, ou plutôt de non-élevage, c’est plutôt logique), chaque bouchée m’appelait à le remercier, et l’expérience avait une tout autre intensité que celle de bouffer une tranche de jambon lyophilisée.

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Un agneau remplit le frigo de François pour un bon moment..

Sur un terrain plus anecdotique, les conditions de vie à la ferme de François étaient assez spartiates : douche plus ou moins en extérieur  (à -2°C ça pique), et pas de chauffage dans la maison autre que la petite cuisinière à bois (le réveil de froid sous la charpente à 3h du mat, ça pique aussi). Si je m’inspirerai volontiers de tout le précieux savoir de François pour mes expérimentations à venir, je crois que j’ajouterai quand même un peu de chauffage à ma future maison (sauf si elle est bioclimatique) !

Ces quelques jours en Dordogne (j’en reviens au hasard mentionné plus haut), ont aussi été l’occasion de repasser voir Habite Ta Terre, plutôt deux fois qu’une d’ailleurs, puisque le lieu-dit de la ferme de François se trouve à 10km de Champs-Romain ! J’ai pris énormément de plaisir à revoir tous les copains rencontrés en janvier, et à en rencontrer d’autres. J’en ai profité pour faire le plein de news sur l’avancement du projet, et vider ma besace à propos de Tera, car la curiosité à propos de ce qui s’y passe était palpable. D’une manière générale, j’apprécie profondément de jouer au lombric et de favoriser les échanges d’informations entre les deux projets.

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La flambant neuve serre à semis d’Habite ta Terre !

Tera, l’explosion de saveurs.

Après quelques jours en Dordogne, je suis reparti pour Masquières (commune actuelle de l’expérimentation Tera), et cette fois pour y rester 10 jours, après le très bref week-end du mois de janvier.

Décrire chronologiquement ce que j’y ai vécu en février est absolument impossible, tant les expériences intérieures et extérieures ont été intenses, variées, simultanées. Pour simplement donner une idée de la chose, je suis arrivé Parisien, et je suis reparti officiellement Masquiérois dix jours plus tard.
La question d’un appartement disponible dans le centre du village courait depuis quelques semaines, et tout s’est enchaîné très vite à mon arrivée. Kenny et moi sommes maintenant colocs d’un appart à 3km de Lartel (le lieu-dit d’expérimentation de Tera). Ça va me permettre de vivre à mi-temps entre Paris et Masquières. Cela me permet à la fois d’être engagé dans cette nouvelle expérience, et en même temps de pouvoir continuer à travailler pour gagner un peu de sous en attendant un jour le revenu de base en monnaie locale…
C’est une situation qui ne peut-être que transitoire, j’en ai bien conscience. Mais ça tombe bien, on parle de transition. Dans notre quête de mieux-vivre, personne ne nous oblige à nous jeter de la falaise pour arriver plus vite au bord de l’océan. On peut aussi descendre la paroi par étapes, et c’est ce que je choisis de faire aujourd’hui.

En dehors de cette histoire d’appartement, ce qui m’a justement convaincu de franchir un gros pas en avant, c’est ce que j’ai vécu et observé de Tera pendant ces dix jours. En un mois d’absence, le projet avait déjà bien avancé. Le fameux saut de la foi, l’entrée dans la matière dont je parlais dans mon dernier article, a enfin été franchi. Avec des difficultés, avec des résistances, avec hésitation. Mais il est franchi. La serre à semis a été construite, le jardin se met doucement en place, les petits fruitiers ont été plantés. Au moment où j’écris ces lignes et où je trépigne à l’idée d’y retourner, la dalle en béton de l’atelier de taille des éléments de la première maison de Tera (une variation de la maison nomade) est sur le point d’être coulée.

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Franck en train de constuire la serre à semis de Tera

La question du jardin devenait urgente quand Stéphane, volontaire formé en maraîchage, est arrivé à point nommé pour nous apprendre quelques maniement d’outils et quelques techniques pour le potager (sans parler de sa généreuse donation en matériel). Tout se passe comme ça à Tera, tout oscille entre l’incertitude, et la confiance de voir arriver les solutions dont on a besoin au moment où on en a besoin. Et pour l’instant, ça avance très fort.

Il y a beaucoup de projets simultanés, et cela a encore davantage explosé suite à  la journée de la charte. Ouverte aux adhérents comme aux volontaires, elle a permis d’avancer sur la vision du projet (activités, principes et attitudes, valeurs), et a aussi déchaîné l’imagination dans tous les sens. Le bouillonnement a été intense, à la limite du supportable parfois. Les journées sont (très) bien remplies à Tera, et il est parfois difficile de s’autoriser le repos. C’est un très bon exercice de prise de responsabilité individuelle à ce niveau. Et je n’ai pas le choix si je ne veux pas retomber dans le burn-out.

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Le mandala de la charte, avant son invasion par une horde de post-it.

Le plus impressionnant a été la vitesse avec laquelle j’ai atteint un certain degré de connexion relationnelle avec les autres volontaires, alors que j’ai passé à peine deux semaines sur place. Je ne dis pas qu’on se connaît tous sur le bout des doigts. Ce que je dis, c’est qu’il existe là-bas un fil invisible entre les gens. Dans la communication, dans la gestion des conflits, tout ce qui se noue, se dénoue avec une facilité que je n’ai jamais connue auparavant. Comme si ce lieu nous avait rassemblé pour que nous apprenions tous quelque chose les uns des autres. J’ai eu mon lot d’épiphanies, comme en janvier. Lartel, c’est comme la Montagne magique sans la décrépitude du sanatorium. Une énergie particulière meut cet endroit. D’ailleurs, en étant bien clair sur le fait que des différences fondamentales existent entre Habite Ta Terre et Tera, les deux initiatives ont ce point commun de mettre de grosses baffes à tous ceux qui y passent (ou y restent !), de les bousculer sur leurs appuis, pour qu’ils apprennent à se repositionner, à se poser différemment. C’est ce qui fait la beauté de la chose. Et le fait que les initiatives comme celles-ci se multiplient en France me redonne espoir en ces temps troublés.

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De gauche à droite : Stéphane, moi-même, Simon, Frédéric, Emmanuelle, Nino sur les épaules de Vincent, et Lisa.

 

Reparti, mais en fait non. Mais en fait si ?

Je suis reparti de Masquières le 29 février, et je ne devais revenir que jeudi prochain (le 16 mars), mais quelques jours après mon arrivée à Paris j’ai craqué et je me suis tapé l’aller-retour express en camion pour amener mes meubles (nouveaux et anciens), de Paris jusqu’à Masquières.

1400km au total, avec un seul jour à Masquières entre deux journées de route, malgré le soutien inestimable de mon pote Antoine pour le déménagement, et celui non moins inestimable de Lisa une fois sur place, c’était une connerie. Le burn-out est revenu gratter à la porte, et j’ai payé une addition salée de retour à Paname. La leçon, c’est que les allers-retours express, c’est non. Passer 15 jours à mi-temps entre Paris et Masquières est déjà fatiguant. Et la différence de mode de vie est telle qu’il faut respecter un temps d’adaptation à chaque fois. J’ai donc revu mon emploi du temps pour limiter plus strictement mes allers-retours dans les mois à venir. Passer d’une chaise à l’autre, c’est une chose. Avoir le cul entre 12 chaises simultanément, c’en est une autre, et ça ne me fait pas du bien. Encore un truc intégré grâce à Tera, c’est parfait.

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Un petit bonus pris sur la route du déménagement.

Focalisation

Ce sera le maître mot des prochaines semaines. Il y a tant à faire à Tera. Tant à explorer, apprendre, accomplir. Et ça ne pourra pas se faire en deux jours, même si une petite voix impatiente continue parfois de s’en plaindre à l’intérieur de moi. Donc il faut faire des choix, se concentrer. La communication de Tera (interne, externe), et le jardin (planification et exécution) seront mes deux chevaux de bataille du mois de mars.

On verra au prochain billet si je m’y suis tenu. :p

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Ça n’est que le début.